Je reçois, l’autre soir, un appel de mon cher et tendre (oui, on peut rêver et puis, je l’appelle comme je veux, non ?)
– Dès que tu as terminé ta consultation, saute dans un taxi et viens me rejoindre
D’abord, je ne suis plus en âge de « sauter » dans un taxi. Je vais y poser un postérieur prudent (ben oui, il fait déjà nuit, et tout le monde le sait, je ne vois rien la nuit, sinon c’est moi qui monterait dans la voiture et mon cher et tendre qui poserait ses fesses dans un taxi) donc, disais-je un postérieur prudent rapport à ce qu’un distrait aurait pu laisser sur la banquette arrière dudit taxi
Ensuite, je veux bien te rejoindre, mais où donc as-tu décidé de planter ton étendard, ce soir.
Réponse : au club hippique
Alors là, malgré ma patiente qui achève sans vergogne ma pourtant très imposante réserve de mouchoirs en papier – faut la comprendre, la pauvre, le même jour elle paume son portefeuille, se fait jeter par son homme et apprend le chemin des assedics – je ne peux m’empêcher de pouffer de rire
– Attends, toi ? Sur un canasson ?
Faut dire qu’il est plutôt costaud, le Monsieur et…plus très souple.
Petite explication sur un ton blessé
– meuuuuuh non, je ne monte pas…Quoique reprendre….oui, cela me plairait assez.
Ah bon ?
J’ai compris. Monsieur de un n’est pas seul, de deux veut « la jouer » fort
Ou un mec plus balèze que lui balade son épaule musclée dans les parages (non, il n’est pas ce que vous pourriez penser en me lisant, simplement cela déclenche chez lui un complexe qui ne disparaît qu’après avoir descendu l’autre en flammes, car faute de muscles – et soyons justes il en a eu – il possède une langue acérée.)
Ou alors, une nana – impérativement blonde – promène une fesse ronde sous son nez…qui sait ?
Quelle que soit l’alternative, j’ai intérêt à me pointer vite fait au Club en question.
Si c’est un beau mec, c’est toujours intéressant (juste regarder, promis) si c’est une blonde, je possède quelques techniques parfaites qui, sans utiliser le moins du monde la parole, vous expédient ce genre de personne sur l’autre face de la lune.
Faut dire que ces techniques, j’ai eu le temps de les peaufiner ; n’est-ce pas les situations qui créent l’outil ?
Bon, téléphoner à un taxi ne dépasse pas mes limites intellectuelles, même à 19 heures, un jeudi soir.
Mais pourquoi, pourquoi est-je eu l’idée saugrenue de lui dire « Au Club hippique, à Gillot, ce qui est assez banal en soi, vous l’avouerez, mais d’ajouter ce petit mot assassin « VITE SVP »
Alors là, vous avez failli ne pas me revoir et ce billet a bien failli ne jamais être écrit.
Certains d’entre vous ont-ils déjà eu l’imprudence, l’inconscience dirais-je, de dire « VITE » à un taxi italien ?
Ce que vous avez pu ressentir alors (les prières de l’enfance remontent spontanément aux lèvres, juste question de se mettre en ordre – on ne sait jamais – avec « La-Haut ») n’est qu’une amusette à côté de ce que j’ai ressenti dans ce taxi.
Ce gentil chauffeur, tout heureux de me faire plaisir, a mis sept minutes à parcourir la distance – pour ceux qui connaissent _ entre St Denis et Gillot, en pleine heure de pointe
Vacillante mais vivante, je suis arrivée à destination le chapeau en déroute (mais non je n’en porte pas, c’est juste une figure de style) tout intérêt, que ce soit pour le balèze ou la blondasse, envolé.
Après m’être assurée de mon intégrité physique, j’ai fait le tour, avec une dame charmante qui ne se serait intéressée à mon homme qu’à la condition qu’il soit un canasson, des box et des chevaux
En principe, si je les admire, je ne les aime pas.
Durant les cinq longues années où j’ai vu mon fils monter, j’ai tremblé de le voir si haut perché, sur des animaux que je ne parviens pas à cerner, à comprendre.
Il est plus doué que moi, heureusement.
Personnellement, je les trouve un peu « vache », même si ce la fait bizarre de dire cela pour un cheval.
Voyons la réalité ; ils sont mieux armés que des lions pour se défendre
Le lion dispose de ses griffes, de ses dents.
Le cheval est infiniment plus intelligent.
Devant, il mord, derrière il rue (et je ne parle pas de manifestations malodorantes, ce qui le fait ressembler par cet aspect au putois), et sur le côté, il vous coince entre le mur et lui ( environ 500 kg qui poussent, on le sent) et si, malgré tout, vous avez décidé que c’est vous l’humain donc le maître et que vous le promenez par la bride, il arrive encore à vous marcher sur le pied, petit jeu duquel, faut-il le préciser, il sort toujours gagnant.
Ben oui, quoi ? Vous avez déjà essayé de marcher sur le sabot d’un cheval, vous ?
Bon, après cela, pas la peine de vous faire un dessin sur la méfiance que j’affiche envers ce noble animal
Et là, là, à ce moment précis où tous mes sens en alerte, toute ma légitime méfiance en bannière, j’aborde le petit périple destiné à me faire connaître les lieux ( mais pourquoi, bon dieu, puisque jamais au grand jamais je ne monterai,) là, je tombe A MOU REU SE
Il est magnifique, infiniment doux et triste, mince et grand, très brun.
Mais non ce n’est pas un mec, juste un….CHE VAL
Non, non, je ne suis pas folle. Je sais que c’est dingue après vous avoir décrit en long, en large et même en travers ma crainte, ma méfiance, voilà que je vous raconte mon réel coup de foudre ;
Je ne l’ai plus quitté. Il appartient au Club, il est blessé, ne pourra plus jamais concourir va être vendu ou abattu.
Je ne sais pas l’acheter. Il coûte, malgré son infirmité, dix mille euros
Je connais le chemin du Club par cœur, à présent.
Je vais le voir, le caresse, lui parle, le dorlote, lui apporte sucre, biscottes et carottes
Il s’appelle Haxa de Jade, c’est mon nouvel amour.